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NUREMBERG (1945-1946)

VERDICT

 

RESPONSABILITES INDIVIDUELLES

L'article 26 du Statut prévoit qu'en ce qui concerne la culpabilité ou l'innocence de chaque accusé, le jugement du Tribunal devra être motivé. Le Tribunal, en conséquence, va maintenant énoncer les motifs sur lesquels se fondent ses déclarations d'innocence ou de culpabilité.

 

 

GOERING

 

Gœring est inculpé des crimes visés par les quatre chefs de l'Acte d'accusation. Les preuves versées au débat, montrent qu'il était la seconde personnalité du régime nazi. Placé immédiatement au-dessous du Chancelier du Reich, Commandant en Chef de la Luftwaffe, Délégué au Plan de Quatre Ans, il a joui d'une influence considérable auprès de Hitler jusqu'en 1943, date à laquelle leurs relations se sont tendues au point d'aboutir en 1945 à son arrestation. Il a déclaré, dans sa déposition, que Hitler le tenait au courant de toutes les questions d'ordre militaire et politique importantes.

 

Crimes contre la Paix

 

Depuis le moment où il devint membre du Parti en 1922, et où il prit la tête des SA, organisation destinée à la guerre des rues, Gœring fut le conseiller, l'agent actif de Hitler et l'un des principaux chefs du mouvement nazi. Comme représentant politique de Hitler, il contribua, pour une large part, à amener les Nationaux-Socialistes au pouvoir en 1933 et fut chargé de consolider leur puissance, en même temps que d'accroître la force militaire de l'Allemagne. Il développa la Gestapo et créa les premiers camps de concentration, dont il devait, en 1934, transférer la direction à Himmler. Il procéda, la même année, à l'« épuration Rœhm » et porte la responsabilité des mesures odieuses qui contraignirent von Blomberg et von Fritsch à quitter l'Armée. En 1936, il devint Plénipotentiaire au Plan de Quatre Ans, c'est-à-dire théoriquement et pratiquement le directeur économique du Reich. Peu après la signature de l'Accord de Munich, il annonça qu'il allait rendre la Luftwaffe cinq fois plus importante qu'elle n'était et accélérer l'armement, en développant particulièrement les armes offensives.

Gœring fut l’une des cinq personnalités qui prirent part à la Conférence du 5 novembre 1937, dite « Conférence Hossbach » et il assista également aux conférences essentielles dont ce jugement a déjà fait état.

Il joua dans l’Anschluss de l'Autriche le rôle principal, celui d'un chef de bande ; il a déclare à l'audience : « J’accepte de prendre sur moi cent pour cent de la responsabilité... J'ai même vaincu les objections du Führer et conduit les choses jusqu'au bout ». Lors de l'annexion des Sudètes, il prépara en tant que Chef de la Luftwaffe une offensive aérienne qui s'avéra d'ailleurs inutile, et comme homme politique, il tranquillisa les Tchèques par de mensongères protestations d'amitié. Il a reconnu devant le Tribunal qu'au cours d'une Conférence tenue avec Hitler et Hacha, il avait, la nuit précédant l'invasion de la Tchécoslovaquie et l'annexion de la Bohême-Moravie, menacé de bombarder Prague, si le Président Hacha ne se soumettait pas.

Gœring assista, le 23 mai 1939, à la réunion de la Chancellerie du Reich au cours de laquelle Hitler déclara à ses chefs militaires : « Il ne peut, par conséquent, être question d'épargner la Pologne ». Il assista aussi à la réunion du 22 août 1939 à Obersalzberg où Hitler distribua ses ordres. Il est prouvé qu'il a joué un rôle actif dans les manœuvres diplomatiques qui suivirent. De connivence avec le Chancelier du Reich et par l'intermédiaire de l'homme d'affaires suédois Dahlerus, il essaya, comme ce dernier en a témoigné devant le Tribunal, d'empêcher le Gouvernement Britannique de tenir la promesse de garantie faite aux Polonais par ce gouvernement.

Il commanda la Luftwaffe lors de l'attaque de la Pologne et au cours des guerres d'agression ultérieures.

Même s'il est vrai, comme il l'a prétendu, qu'il s'est opposé aux plans de Hitler dirigés contre la Norvège et l'Union Soviétique, il n'est pas douteux qu'il le fit uniquement pour des raisons stratégiques. Lorsque Hitler eut pris sa décision, il le suivit sans hésiter. Il a explicitement déclaré, dans sa déposition, que ses différends avec Hitler n'ont jamais été d'ordre idéologique ou juridique. L'invasion de la Norvège le « mit en fureur », mais uniquement parce qu'on ne lui avait pas donné la possibilité de préparer l'offensive de la Luftwaffe. Il a reconnu qu'il avait approuvé le principe de cette agression : « Mon attitude était absolument favorable ». Il participa efficacement à la préparation et à l'exécution des campagnes de Yougoslavie et de Grèce, et il a déclaré que le plan d'attaque de la Grèce (dit « Plan Marita »), avait été préparé longtemps à l'avance. Il considérait l'Union Soviétique comme « la plus grande menace pour l'Allemagne », tout en estimant que, du point de vue militaire, une attaque immédiate ne s'imposait pas. En fait, sa seule objection à une guerre d'agression contre l'U.R.S.S. portait sur le choix du moment ; pour des raisons d'ordre stratégique, il aurait voulu attendre que l'Angleterre fût conquise : « Mon point de vue, a-t-il déclaré dans sa déposition, n'a été déterminé que par des considérations militaires et politiques ».

Après les aveux qu'il a faits devant ce Tribunal et en raison des postes qu'il a occupés, des conférences auxquelles il a assisté et des paroles qu'il a prononcées en public, il n'est pas permis de douter que, immédiatement après Hitler, Gœring a été le véritable promoteur des guerres d'agression. Il est à l'origine de tous les plans de la guerre poursuivie par l'Allemagne et il en réalisa tous les préparatifs militaires et diplomatiques.

 

Crimes de guerre et crimes contre l’Humanité

 

Les dossiers sont remplis des aveux de Gœring sur le rôle qu'il a joué dans l'emploi des travailleurs forcés. « Nous avons, dit-il, utilisé ces travailleurs pour des raisons de sécurité, afin qu'ils ne fussent pas employés dans leur propre pays et ne pussent pas travailler contre nous. D'autre part, ils ont contribué à la poursuite de la guerre économique ». Il a déclaré en outre : « On contraignait les travailleurs à venir dans le Reich. C'est un fait que je n'ai pas nié ». Il faut se rappeler que c'est lui qui était Plénipotentiaire au Plan de Quatre Ans et chargé du recrutement et de la répartition de la main-d'œuvre. En sa qualité de Commandant en Chef de la Luftwaffe, il demanda à Himmler de lui fournir un plus grand nombre de travailleurs forcés pour ses usines souterraines d'aviation. « Il est exact, dit-il, que j'ai demandé des internés des camps de concentration pour travailler à l'armement de la Luftwaffe et il faut considérer cela comme une chose naturelle ».

En sa qualité de Plénipotentiaire, Gœring signa un ordre concernant le traitement des travailleurs polonais en Allemagne et le mit en pratique par les instructions qu'il donna au SD, notamment à propos du « traitement spécial ». Il ordonna d'employer les prisonniers de guerre français et soviétiques dans l'industrie d'armement. Il parlait aussi d'appréhender des Polonais et des Hollandais, de les considérer, au besoin, comme des prisonniers de guerre et de les utiliser pour le travail. Il a reconnu, à l'audience, que l'on utilisait des prisonniers de guerre soviétiques pour servir les batteries de D.C.A.

En sa même qualité de Plénipotentiaire, Gœring joua un rôle actif dans le pillage des territoires conquis. Pour parvenir à ce but, il établit des plans, bien avant que fût déclenchée la guerre avec l'Union Soviétique. Deux mois avant celle-ci, Hitler donna à Gœring la direction suprême de l'administration économique des territoires qui seraient envahis. A cet effet, Gœring mit sur pied un Etat-Major économique. Parce qu'il était le Reich-Maréchal du « Reich Grand-Allemand », ses ordres s'étendaient à tous les domaines économiques, y compris « le ravitaillement et l'agriculture ». Aux termes de ce que l'on appelle son « dossier vert », imprimé par les soins de la Wehrmacht, un état-major exécutif économique de l'Est était créé. Les directives contenues dans ce dossier tendaient au pillage et à l'abandon de toutes les industries qui se trouvaient dans les régions déficitaires au point de vue du ravitaillement ; quant aux denrées des régions excédentaires, elles devaient être envoyées en Allemagne pour servir aux besoins de la population. Gœring prétend que ses intentions ont été mal comprises, mais il reconnaît qu'il était « naturel et obligatoire pour nous d'utiliser la Russie au mieux de nos intérêts. »

Il participa à la conférence du 16 juillet 1941, au cours de laquelle Hitler déclara que les Nationaux-Socialistes n'avaient pas l'intention de jamais quitter les pays occupés et qu'ils prendraient les mesures appropriées telles que celles consistant à fusiller ou transplanter les habitants, etc...

A la suite des manifestations de novembre 1938, Gœring imposa aux Juifs une amende d'un milliard de reichsmarks. Il les persécuta non seulement en Allemagne, mais aussi dans les territoires conquis. Les déclarations qu'il a faites à cette époque, autant que sa déposition à la barre, montrent qu'il s'intéressait surtout à la question de savoir comment évincer les Juifs de la vie économique de l'Europe et s'emparer de leurs biens. Il étendit aux pays occupés les lois antisémites du Reich, au fur et à mesure de l'avance de l'armée allemande dans ces territoires. Le Reichsgesetzblatt des années 1939, 1940 et 1941, contient plusieurs décrets antisémites signés par Gœring. Bien que Himmler fût chargé de l'extermination des Juifs, Gœring, malgré ses protestations à l'audience, était loin, en cette matière, d'être indifférent on inactif. Par décret du 31 juillet 1941, il ordonna à Himmler et à Heydrich d'aboutir à une « solution totale de la question juive dans la sphère d'influence allemande en Europe ».

Aucune circonstance atténuante ne peut être invoquée en faveur de Gœring. Il fut souvent — et l'on pourrait dire presque toujours — l'élément dynamique du Parti, placé immédiatement après Hitler. Il fut le promoteur des guerres d'agression, aussi bien comme chef politique que comme chef militaire. Il dirigea le programme du travail forcé et fut l'instigateur des mesures de persécution contre les Juifs et d'autres races, tant en Allemagne qu'à l'étranger. Tous ces crimes, il les a reconnus sans détour.

Les témoignages peuvent différer sur certains points particuliers mais, en général, les propres aveux de Gœring sont plus que suffisants pour permettre de conclure à sa culpabilité. Cette culpabilité est unique dans son étendue. Rien, dans son dossier, ne peut servir d'excuse à cet homme.

 

Conclusion

 

Le Tribunal déclare :

— Que l'accusé Gœring est coupable des crimes visés par les quatre chefs de l'Acte d'Accusation.

 

 

 

 

 
   
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

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