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NUREMBERG (1945-1946)

VERDICT

RESPONSABILITES INDIVIDUELLES

 

 

KEITEL

 

Keitel est inculpé des crimes visés par les quatre chefs de l'Acte d'Accusation. Il fut Chef d'Etat-Major du Ministre de la Guerre von Blomberg, de 1935 jusqu'au 4 février 1938; à cette date, Hitler prit le commandement des armées allemandes et nomma Keitel Chef du Haut-Commandement des forces armées. Ce poste ne lui conférait pas le pouvoir de donner des ordres aux trois branches de la Wehrmacht, qui dépendaient directement de Hitler, et, en fait, l'O.K.W. constituait l'Etat-Major militaire de ce dernier.

 

Crimes contre la Paix

 

Keitel assista, ainsi que deux autres généraux, à l'entrevue qui eut lieu avec Schuschnigg au mois de février 1938. Il a reconnu que leur présence à tous trois était une « démonstration militaire », mais a expliqué que, ayant été nommé chef de l'O.K.W. seulement une semaine auparavant, il ne savait pas pour quelle raison on l'avait convoqué. Hitler et Keitel continuèrent par la suite à exercer une pression sur l'Autriche, en émettant des messages radiodiffusés et de fausses rumeurs et en organisant des mouvements de troupes. Keitel dirigeait toutes ces manœuvres et Jodl a noté dans son journal que « l'effet fut rapide et énergique ».

Lorsque Schuschnigg eut décidé d'organiser un plébiscite, Keitel, la même nuit, en informa Hitler et ses généraux ; et Hitler publia le « cas Otto » que Keitel parapha.

Le 21 avril 1938, Hitler et Keitel examinèrent la façon dont on pourrait utiliser un « incident » — tel que l'assassinat du Ministre allemand à Prague — comme prétexte à l'attaque contre la Tchécoslovaquie. Keitel signa de nombreuses directives et de nombreux mémorandums concernant le « Cas Vert » et, entre autres, la directive du 30 mai qui contenait la déclaration suivante de Hitler : « C'est ma décision irrévocable d'écraser la Tchécoslovaquie par une action militaire dans un avenir très proche. » Après Munich, Keitel parapha l'ordre de Hitler concernant l'attaque contre la Tchécoslovaquie et ajouta deux suppléments. Le second précisait que l'attaque devrait apparaître à l'étranger comme « un acte de simple pacification et non pas comme une entreprise belliqueuse ». Keitel assista aussi aux négociations entre Hitler et Hacha à l'issue desquelles ce dernier finit par céder.

Il était encore présent, le 23 mai 1939, lorsque Hitler annonça sa décision « d'attaquer la Pologne à la première occasion favorable ». Déjà, il avait signé l'ordre enjoignant à la Wehrmacht de soumettre pour le 1er mai à l'O.K.W. l'horaire des opérations du « Cas Blanc ».

Le 12 décembre 1939, Keitel étudia avec Hitler, Jodl et Raeder, la question de l'invasion de la Norvège et du Danemark, et une directive du 27 janvier 1940 lui donna « la direction personnelle et immédiate » des plans concernant la Norvège. Hitler ayant déclaré, le 23 mai 1939, qu'il ne tiendrait aucun compte de la neutralité de la Belgique et des Pays-Bas. Keitel signa les ordres d'attaque les 15 octobre, 20 et 28 novembre 1939. Par la suite, les dix-sept ordres repoussant la date de l'attaque jusqu'au printemps 1940 furent tous signés par Keitel et par Jodl.

Les préparatifs concernant l'attaque de la Grèce et de la Yougoslavie avaient commencé officiellement en novembre 1940. Le 18 mars 1941, Keitel entendit Hitler déclarer à Raeder que l'occupation complète de la Grèce était la condition indispensable qui devait précéder tout règlement ; il entendit également Hitler affirmer le 27 mars que la destruction de la Yougoslavie serait menée avec une « dureté impitoyable ».

Quant à l'invasion de l'Union Soviétique, Keitel a témoigné qu'il s'y était opposé à la fois pour des raisons militaires et parce que cela constituerait une violation du Pacte de non-agression. Malgré cela il revêtit de ses initiales le « Cas Barbarossa », signé par Hitler le 18 décembre 1940, et assista à la réunion du 3 février 1941 entre celui-ci et les représentants de l'O.K.W. Keitel, le 13 mars, ajouta un additif pour régler les rapports entre les chefs militaires et les chefs politiques. Il établit aussi, le 6 juin, l'horaire des opérations pour l'invasion et assista à la conférence du 14 juin au cours de laquelle les généraux firent leurs derniers comptes rendus avant l'attaque.

Il nomma Jodl et Warlimont pour représenter l'O.K.W. auprès de Rosenberg, en ce qui concernait les questions se rapportant aux territoires de l'Est. Le 16 juin il ordonna à toutes les unités de l'armée d'appliquer les directives économiques que Gœring avait données dans le « Dossier Vert », pour l'utilisation des produits alimentaires et des matières premières fournis par le territoire russe.

 

Crimes de guerre et crimes contre l’Humanité

 

Le 4 août 1942, Keitel émit une directive d'après laquelle les parachutistes devaient être livrés au SD. Le 18 octobre, Hitler publia l'ordre relatif aux Commandos qui fut appliqué en maintes occasions. Après le débarquement en Normandie, Keitel réitéra cet ordre, puis l'étendit aux unités alliées combattant aux côtés des groupes de résistance. Il reconnaît avoir su que l'ordre était illégal, mais prétend ne pas avoir pu empêcher Hitler de le promulguer.

Après la publication par l'O.K.W., le 8 septembre 1941, de règles impitoyables pour le traitement des prisonniers de guerre soviétiques, Canaris écrivit à Keitel que le SD, en s'occupant de cette question, violait les règles du Droit International. Sur ce mémorandum, Keitel, le 25 septembre, écrivit de sa main et parapha la note suivante : « On élève des objections inspirées par une conception chevaleresque de la guerre, mais il s'agit ici de détruire une idéologie. Par conséquent, j'approuve et soutiens ces mesures. » Keitel a déclaré qu'en réalité il était d'accord avec Canaris et qu'il avait discuté de cette question avec Hitler, mais sans succès.

Keitel donna aux autorités militaires l'ordre de coopérer avec le Einsatzstab Rosenberg dans le pillage des biens culturels.

Lahousen a déclaré à la barre que Keitel lui avait dit, le 2 septembre 1939, dans le train spécial de Hitler, qu'il fallait supprimer la classe intellectuelle, la noblesse et les Juifs de Pologne. Le 20 octobre, Hitler dit à Keitel qu'on empêcherait les intellectuels de demeurer une classe dirigeante, que le standard de vie resterait peu élevé et qu'on n'utiliserait la Pologne que pour en tirer la main d'œuvre. Keitel ne se souvient pas de sa conversation avec Lahousen mais admet qu'une telle politique fut effectivement poursuivie et qu'il avait fait à son sujet de vaines protestations auprès de Hitler.

Le 16 septembre 1941, il ordonna qu'aux attaques dont étaient victimes les soldats allemands dans l'Est, on répondit par la mise à mort de 50 à 100 communistes. Le 1er octobre, il donna l'ordre aux chefs militaires de détenir en permanence des otages prêts à être exécutés, pour le cas où des soldats allemands seraient attaqués. Terboven, Commissaire du Reich pour la Norvège, ayant écrit à Hitler que la proposition de Keitel tendant à rendre les parents des travailleurs responsables des actes commis par ces derniers, ne pourrait être appliquée que si l'on autorisait l'emploi de pelotons d'exécution, Keitel écrivit dans la marge de ce mémorandum : « Oui, c'est ce qu'il y a de mieux. »

Le 12 mai 1941, cinq semaines avant l'invasion de l'Union Soviétique, l'O.K.W. insista auprès de Hitler pour qu'il approuvât une directive de l'O.K.W., ordonnant à l'armée de « liquider » les commissaires politiques. Keitel admet que cette directive fut transmise aux Commandants en campagne. Le 13 mai, Keitel signa un ordre d'après lequel on devait exécuter sans jugement les civils que l'on soupçonnait d'avoir commis des crimes contre les troupes ; par contre on ne devait pas poursuivre les soldats allemands ayant commis les mêmes actes contre des civils. Le 27 juillet, on décida la destruction de toutes les copies de cet ordre, sans que, pour autant, celui-ci cessât d'être valable. Quatre jours avant, Keitel avait signé un autre ordre qualifiant d'insuffisants les châtiments légaux et précisant que les troupes devaient user de méthodes terroristes.

Le 7 décembre 1941, Keitel signa le décret : « Nacht und Nebel » dont il a déjà été parlé et qui prévoyait que les civils ne seraient poursuivis dans les territoires occupés que si une condamnation à mort était probable ; dans les autres cas, ils devaient être livrés à la Gestapo pour être emmenés en Allemagne.

Keitel ordonna aussi que les prisonniers de guerre soviétiques fussent employés dans l'industrie de guerre allemande. Le 8 septembre 1942, il ordonna d'affecter des citoyens français, hollandais et belges, à la construction du « mur de l'Atlantique ». Enfin, il était présent lorsque le 4 janvier 1944, Hitler donna à Sauckel l'ordre de recruter dans les territoires occupés quatre millions de nouveaux travailleurs.

Devant de tels documents, Keitel ne nie pas avoir participé aux actes énumérés ci-dessus. Il invoque, pour sa défense, sa qualité de soldat et l'argument d'« ordre supérieur », que l'article 8 du statut rejette comme moyen de défense.

Aucune circonstance atténuante ne peut être invoquée en sa faveur. Les ordres supérieurs, même donnés à un soldat, ne peuvent constituer des circonstances atténuantes, là où des crimes aussi révoltants que nombreux ont été commis sciemment, impitoyablement et sans la moindre justification militaire.

 

Conclusion

Le Tribunal déclare :

— Que l'accusé Keitel est coupable des crimes visés par les quatre chefs de l'Acte d'Accusation.

 

 

 

 

 
   
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

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