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NUREMBERG (1945-1946)

VERDICT

RESPONSABILITES INDIVIDUELLES

 

 

STREICHER

 

Streicher est inculpé des crimes visés par les premier et quatrième chefs de l'Acte d'Accusation. Inscrit dès l'origine au Parti Nazi auquel il adhéra en 1921, il prit part au Putsch de Munich. De 1925 à 1940, il fut Gauleiter de Franconie. Elu au Reichstag, en 1933, il devint Général des SA à titre honoraire. La violente campagne qu'il mena contre les Juifs est universellement connue. De 1923 à 1945, il édita le journal hebdomadaire antisémite, Der Stürmer, dont il fut le rédacteur en chef jusqu'en 1933.

 

Crimes contre la Paix

 

Membre du Parti Nazi, Streicher fut un adepte convaincu de la politique générale de Hitler, mais aucune preuve n'établit qu'il ait jamais été un des conseillers intimes du Führer, ni qu'il ait, au cours de sa carrière, participé à l'élaboration de la politique qui conduisit à la guerre. En particulier, il n'assista jamais à aucune des importantes conférences au cours desquelles Hitler fit part à ses collaborateurs de ses décisions; et, bien qu'il ait occupé le poste de Gauleiter, il n'a pas été prouvé qu'il ait eu connaissance de celles-ci. Le Tribunal, en conséquence, estime que la preuve de la participation de Streicher au complot ou plan concerté ayant pour but de faire une guerre d'agression, tel qu'il a été défini dans ce jugement, n'a pas été apportée.

 

Crimes contre l'Humanité

 

Ayant pendant vingt-cinq ans prêché par la parole et par la plume la haine des Juifs, Streicher était universellement connu comme leur ennemi le plus acharné. Dans ses discours et ses articles hebdomadaires ou mensuels, il sema dans l'esprit allemand le virus de l'antisémitisme et poussa le peuple à se livrer à des actions hostiles à l'égard des Juifs. Chaque numéro du Stürmer, qui, en 1935, atteignait un tirage de 600.000 exemplaires, était rempli d'articles en ce sens, souvent même licencieux et abjects.

 

Streicher fut chargé du boycottage des entreprises juives, qui débuta le 1er avril 1933. Il prit parti pour les décrets de Nuremberg de 1935. Il est responsable de l'incendie de la Synagogue de Nuremberg, du 10 août 1938, et, le 10 novembre, il préconisa publiquement le pogrom qui eut lieu à cette date.

Mais ce ne fut pas seulement contre les Juifs d'Allemagne que Streicher développa ses doctrines. Dès 1938, il commença à demander l'anéantissement de la race juive. Vingt-trois articles du journal Der Stürmer, écrits entre 1938 et 1941, et dans lesquels était prônée une « élimination » des Juifs, ont été versés aux débats comme exemple caractéristique de ses enseignements. Un éditorial, paru en septembre 1938, traitait le Juif de « bacille », de fléau, déclarait qu'il n'était pas un être humain et l'accusait d'être « un parasite, un être nuisible, un malfaiteur et un propagateur de maladies, qui doit être détruit dans l'intérêt de l'humanité ». D’autres articles proclamaient que le problème juif ne pourrait être résolu que lorsque la "Juiverie internationale » aurait été anéantie et prédisaient que, d'ici 50 ans, les tombes juives « attesteraient que ce peuple d'assassins et de criminels a bel et bien trouvé le sort qu'il méritait".

En février 1940, Streicher publia la lettre d'un lecteur du Stürmer comparant les Juifs à des essaims de sauterelles qui devaient être totalement exterminés. Tel fut le poison que Streicher versa dans l'esprit de milliers d'Allemands; il leur fit accepter la politique nationale-socialiste de persécution et d'extermination des Juifs. Un éditorial du Stürmer, publié en mai 1939, montre clairement l'intention dans laquelle il a été écrit :

Une expédition punitive doit se faire en Russie contre les Juifs, qui leur réservera le même sort que celui auquel doit s'attendre tout meurtrier et tout criminel : condamnation à mort et exécution. Les juifs de Russie doivent être tués. Ils doivent être extirpés et exterminés.

La guerre ayant amené d'abord l'acquisition par le Reich de territoires de plus en plus vastes, Streicher redoubla d'efforts pour exciter partout les Allemands contre les Juifs. Vingt-six articles du Stürmer, parus entre le mois d'août 1941 et le mois de septembre 1944, figurent au dossier. Douze de ces articles, signés par Streicher, réclament l'anéantissement et l'extermination en termes non équivoques. Le 25 décembre 1941, il écrivait :

Si le danger de voir se perpétrer la malédiction divine que constitue le sang juif doit être évité, il n'y a qu'un moyen pour y parvenir : l'extermination de ce peuple dont le père est le diable.

Et en février 1944, il affirmait dans un article signé de lui :

Quiconque agit comme un Juif est une canaille, un criminel. Et celui qui répète ce que dit un Juif ou veut l'imiter mérite le même sort que ce dernier : l'extermination, la mort.

Quand il fut informé de la disparition des Juifs des territoires de l'Est, l'accusé continua, par ses articles, à poursuivre sa propagande meurtrière. Au cours de son audition devant le Tribunal, il a nié avec véhémence avoir jamais eu connaissance des exécutions massives de Juifs. Mais les preuves produites indiquent clairement qu'il était tenu régulièrement au courant des progrès de la « solution finale ». Le photographe de son journal fut envoyé en mission, au printemps de 1943, pour visiter les ghettos de l'Est, au moment même de la destruction de celui de Varsovie. Le journal juif Israelitisches Wochenblatt, que Streicher recevait et lisait, publiait dans chaque numéro des bulletins relatifs aux atrocités commises dans l'Est; ce journal donnait des comptes rendus indiquant le nombre des Juifs qui avaient été déportés et tués. Par exemple, certains numéros, publiés au cours de l'été et de l'automne de l'année 1942, signalèrent la mort de 72.729 Juifs à Varsovie, de 17.542 à Lodz, de 18.000 en Croatie, de 125.000 en Roumanie, de 14.000 en Lettonie, de 85.000 en Yougoslavie et de 700.000 dans toute la Pologne. En novembre 1943, Streicher cita textuellement un article de l'Israelitisches Wochenblatt, qui affirmait que les Juifs avaient effectivement disparu d'Europe; il ajouta, en commentaire : « Ceci n'est pas un mensonge juif ». En décembre 1942, Streicher, faisant allusion à un article paru dans le London Times, relatif aux atrocités et aux exterminations, souligna que Hitler avait averti que la deuxième guerre mondiale amènerait la destruction des Juifs. En janvier 1943, il publia un article portant que la prédiction de Hitler était en cours de réalisation, que l'on était en train d'éliminer la Juiverie mondiale, et qu’il était merveilleux d'apprendre que Hitler libérait le monde de ses bourreaux.

Streicher ne peut guère prétendre, en présence de ces preuves, que la solution préconisée par lui était limitée au classement des Juifs parmi les étrangers et à l'institution d'une législation d'exception, comme les lois de Nuremberg; d'après lui, ces dispositions seraient complétées, si possible, par un accord international créant, en un lieu quelconque, un Etat juif vers lequel tous les Israélites devraient émigrer.

Le fait que Streicher poussait au meurtre et à l'extermination, à l'époque même où, dans l'Est, les Juifs étaient massacrés dans les conditions les plus horribles, réalise « la persécution pour des motifs politiques et raciaux », prévue parmi les crimes de guerre définis par le Statut, et constitue également un crime contre l'humanité.

 

Conclusion

 

Le Tribunal déclare :

— Que l'accusé Streicher n'est pas coupable des crimes visés par le premier chef de l'Acte d'Accusation.

— Que l'accusé Streicher est coupable des crimes visés par le quatrième chef de l'Acte d'Accusation.

 

 
   
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

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