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NUREMBERG (1945-1946)

VERDICT

RESPONSABILITES INDIVIDUELLES

 

 

SCHACHT

 

Schacht est inculpé des crimes visés par les premier et second chefs de l'Acte d'Accusation. De 1923 à 1930, il fut Commissaire aux questions monétaires et Président de la Reichsbank; il fut de nouveau nommé à ce dernier poste, le 17 mars 1933; il devint Ministre de l'Economie en août 1934 et Plénipotentiaire général pour l'Economie de guerre, en mai 1935. Il se démit de ces deux fonctions, en novembre 1937, et fut nommé ministre sans portefeuille. Le 16 mars 1937, il redevint Président de la Reichsbank pour une durée d'un an et le 9 mars 1938, pour une durée de quatre ans, mais il fut relevé de ce poste, le 20 janvier 1939, de même que de celui de ministre sans portefeuille, le 22 janvier 1943.

 

Crimes contre la Paix

 

Schacht fut un partisan actif du National-Socialisme avant l'accession du Parti au pouvoir, le 30 janvier 1933 et favorisa la nomination de Hitler au poste de Chancelier. Après cette date, il joua un rôle important dans l'exécution du programme de réarmement intensif qui fut adopté par l'Allemagne en mettant au maximum les possibilités de la Reichsbank au service de cet effort. La Reichsbank, qui a, de tous temps, été l'agent financier du Gouvernement allemand, émit des emprunts d'Etat à long terme dont le montant fut employé au réarmement. L'accusé imagina un système selon lequel des billets de banque à échéance de 5 ans, connus sous le nom de billets M.E.F.O., furent utilisés pour obtenir de fortes sommes provenant du marché des devises à court terme pour le réarmement. Le remboursement de ces billets était garanti, mais en fait cette garantie ne provenait que du fait que la Reichsbank était banque d'émission.

En sa qualité de Ministre de l'Economie et de Plénipotentiaire général pour l'Economie de guerre, Schacht s'occupa d'organiser l'économie allemande en vue de la guerre. Il lit des plans détaillés pour une mobilisation industrielle et la coordination de l'Armée avec l'industrie en cas de guerre.

Plus particulièrement et pour pallier la pénurie de matières premières, il entreprit de réaliser un plan de stockage et un système de contrôle des changes. Il espérait ainsi éviter que la faible position de l'Allemagne vis-à-vis de la monnaie étrangère put gêner l'acquisition à l'étranger de matières premières nécessaires au réarmement. Le 3 mai 1935, il déclarait dans un mémoire adressé à Hitler : « ... la réalisation rapide d'un vaste programme d'armement est le problème essentiel de la politique allemande; tout doit en conséquence être subordonné à ce but. »

En avril 1936, Schacht commença à voir sa position centrale perdre son influence dans l'effort de réarmement allemand, lorsque Gœring fut chargé de la coordination des questions de matières premières et de devises étrangères. Gœring se fit l'avocat d'un programme étendu de production de matières premières synthétiques, malgré l'opposition de Schacht qui estimait que l'effort financier qu'il faudrait fournir pourrait conduire à l'inflation. L'influence de Schacht diminua encore davantage quand, le 16 octobre 1936, Gœring fut nommé Plénipotentiaire pour le Plan de Quatre Ans, ce qui le chargeait de « toute l'économie en état d'alerte en vue de la guerre » dans un délai de quatre ans. Schacht s'était opposé à la publication de ce plan et à la nomination de Gœring à sa tête; la décision d'Hitler montrait qu'il trouvait que la politique économique de Schacht était trop conservatrice pour la politique de réarmement intensif qu'il voulait appliquer.

Schacht et Gœring, après la nomination de ce dernier, commencèrent immédiatement à se quereller. En plus des raisons personnelles qui dominaient leurs disputes, certains principes politiques les divisaient. Schacht, pour des raisons financières, préconisait une réduction du programme de réarmement, réprouvait comme contraire aux principes d'économie une augmentation aussi considérable des moyens de production, en particulier celle des produits synthétiques et demandait une réduction sévère des crédits accordés au Gouvernement et une prudence plus vigilante dans le maniement des réserves en devises étrangères de l'Allemagne. A la suite de ces disputes et d'une discussion particulièrement acerbe, au cours de laquelle Hitler accusa Schacht de bouleverser ses plans par ses méthodes financières, l'accusé quitta le Ministère de l'Economie, le 5 septembre 1937, pour partir en congé, et il donna sa démission de Ministre de l'Economie et de Plénipotentiaire Général à l'Economie de guerre, le 16 novembre 1937.

En sa qualité de Président de la Reichsbank, Schacht devait encore prendre part à des discussions. Pendant toute l'année 1939, la Reichsbank continua à fonctionner comme banquier du Gouvernement allemand en émettant des emprunts à long terme pour financer les armements. Mais le 31 mars 1938, Schacht cessa d'émettre des billets à court terme garantis par la Reichsbank, pour subvenir aux dépenses engagées pour l'armement. A la fin de l'année 1938, Schacht voulut essayer de reprendre, par l'intermédiaire de la Reichsbank, le contrôle de la politique financière et refusa, dans cet espoir, d'ouvrir sur la demande instante du Ministre des Finances du Reich un crédit spécial permettant de payer les salaires des fonctionnaires, crédit qui n'était pas couvert par les fonds existants. Le 2 janvier 1939, Schacht tint une conférence avec Hitler au cours de laquelle il lui demanda instamment de réduire les dépenses d'armement. Le 7 janvier 1939, Schacht présenta à Hitler un rapport signé des directeurs de la Reichsbank, demandant avec insistance que les dépenses d'armements soient énergiquement réduites et que le budget soit enfin équilibré. C'était, disait ce rapport, la seule méthode susceptible d'éviter l'inflation. Le 19 janvier, Hitler destitua Schacht de ses fonctions de Président de la Reichsbank et le 22 janvier 1943, de celles de Ministre sans Portefeuille, en raison de son « attitude générale durant la lutte décisive de la nation allemande ». Le 23 juillet 1944, Schacht fut arrêté par la Gestapo qui l'envoya dans un camp de concentration jusqu'à la fin de la guerre.

Il est évident que Schacht occupa une situation importante dans le programme de réarmement de l'Allemagne, et que les mesures qu'il prit, en particulier dans les premiers jours du régime nazi, ont causé l'ascension rapide de l'Allemagne nazie en tant que puissance militaire. Mais le réarmement, en lui-même, ne constitue pas un crime aux termes du Statut. Pour en faire un crime contre la paix, aux termes de l'article 6 du Statut, il faudrait prouver que Schacht réalisa ce réarmement parce que cela faisait partie des plans faits par les Nazis en vue d'une guerre d'agression.

Schacht a argué qu'il avait pris part au programme de réarmement seulement parce qu'il voulait construire une Allemagne forte et indépendante qui imposerait par sa politique étrangère autant de respect que les autres pays européens. Il a soutenu qu'il découvrit que les Nazis réarmaient dans un but d'agression, et qu'à ce moment il essaya de ralentir la cadence du réarmement; après la révocation de von Fritsch et de von Blomberg, il aurait pris part à l'élaboration de plans visant à se débarrasser de Hitler, d'abord en le renversant, puis en l'assassinant.

Pour des raisons financières, Schacht commença dès 1936 à se déclarer en faveur d'une limitation du programme de réarmement. Si l'Allemagne avait adopté la politique que préconisait Schacht, elle n'aurait pas été en mesure de prendre part à une guerre européenne généralisée. L'insistance dont il faisait preuve pour défendre les méthodes qu'il préconisait amena sa révocation définitive de tous les postes économiques importants qu'il occupait en Allemagne. D'autre part, Schacht, grâce à sa connaissance approfondie des finances allemandes, était particulièrement à même de comprendre le sens véritable du réarmement frénétique entrepris par Hitler et de réaliser que la politique économique qui avait été adoptée n'avait qu'un seul but : la guerre. Schacht continua d'ailleurs à prendre part à la vie économique allemande et même, d'une façon accessoire, à certaines des premières agressions nazies. Avant l'occupation de l'Autriche, il établit le taux d'échange entre le mark et le schilling. Après cette occupation, il prit des dispositions pour incorporer la Banque Nationale autrichienne à la Reichsbank, et prononça un discours faisant preuve de sentiments extrêmement nazis dans lequel il déclarait que la Reichsbank resterait nationale-socialiste aussi longtemps qu'il en ferait partie; il y louait Hitler, défendait l'occupation de l'Autriche, tournait en dérision les critiques adressées à la manière dont elle avait été réalisée, et terminait par ces paroles : « Un triple Sieg Heil pour notre Führer ». Il n'a pas prétendu que ce discours n'exprimât pas son état d'esprit à cette époque. Après l'occupation du territoire des Sudètes, il prit des mesures en vue d'un changement de la monnaie et en vue d'incorporer à la Reichsbank les différentes banques tchèques d'émission. Le 29 novembre 1938, il prononça un discours dans lequel il souligna avec fierté sa politique économique, qui avait fait de l'armement allemand ce qu'il était, et ajouta que cet armement avait permis de réaliser la politique étrangère de l'Allemagne.

Schacht n'a participé à l'établissement des plans d'aucune des guerres d'agression, respectivement visées au chef d'accusation n° 2. Il est vrai qu'il a pris part à l'occupation de l'Autriche et à celle du territoire des Sudètes (qui ne sont d'ailleurs ni l'une ni l'autre considérées comme guerre d'agression) mais ce fut dans une mesure trop restreinte que pour son action constituât une participation au plan commun visé au premier chef de l'Acte d'accusation.

De toute évidence, il n'avait pas trempé étroitement dans l'élaboration de ce plan, comme d'autres collaborateurs intimes de Hitler qui le considéraient avec une hostilité non déguisée. La déposition de Speer établit que Schacht fut arrêté le 23 juillet 1944, tout autant par suite de l'hostilité que manifestait Hitler à son égard à cause de son attitude avant la guerre, que par suite du fait qu'on le soupçonnait d'avoir participé au « complot de la bombe ».

Les accusations portées contre Schacht ne pourraient, en conséquence, être maintenues que dans la mesure où Schacht aurait effectivement eu connaissance des plans d'agression nazis.

Le Ministère Public a fourni des preuves relatives à cette question qui est très grave, et une masse de documents et de témoignages ont été produits par la Défense. Le Tribunal a examiné très attentivement toutes ces preuves et il en conclut que l'accusation contre lui est trop douteuse pour être retenue.

 

Conclusion

 

Le Tribunal déclare :

— Que l'accusé Schacht n'est pas coupable des crimes visés par l'Acte d'Accusation;

et ordonne :

— Que l'officier attaché au Tribunal prenne toutes dispositions pour que Schacht soit mis en liberté dès que l'audience sera levée.

 

 

 
   
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

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