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NUREMBERG (1945-1946)

VERDICT

RESPONSABILITES INDIVIDUELLES

 

 

SPEER

 

Speer est inculpé des crimes visés par les quatre chefs de l'Acte d'Accusation. En 1932, il adhéra au Parti Nazi. En 1934, il fut choisi comme architecte par Hitler et devint son conseiller intime. Peu après, il fut nommé chef du service du Front du Travail, et chargé officiellement, dans l'état-major du Représentant du Führer, de tout ce qui concernait la construction. Il occupa ces postes jusqu'en 1941. Le 15 février 1942, après la mort de Fritz Todt, Speer fut appelé à la tète de l'Organisation Todt et nommé Ministre des Armements et Munitions du Reich, (des Armements et de la Production de guerre après le 2 septembre 1943). A ces postes s'ajoutèrent ceux qu'il occupa à la suite de ces nominations, en mars et avril 1942, comme Plénipotentiaire général aux Armements et membre du Comité Central du Plan, postes qui, tous deux, dépendaient du Plan de Quatre Ans. Speer fut député au Reichstag de 1941 jusqu'à la fin de la guerre.

 

Crimes contre la Paix

 

Le Tribunal estime que les activités de Speer ne comportaient pas l'initiative ou la préparation des guerres d'agression, ni la participation à un complot ourdi à cet effet. Il prit la tête de l'industrie des armements longtemps après que toutes les guerres eurent été déclenchées. Comme Chef de la production de guerre allemande, il favorisa l'effort de guerre, tout comme les chefs d'entreprises privées peuvent le faire. Mais le Tribunal n'estime pas qu'il ait, par là, participé ni au plan concerté en vue de poursuivre une guerre d'agression, ni à la conduite d'une telle guerre, au sens des premier et second chefs de l'Acte d'Accusation.

 

Crimes de guerre et crimes contre l’Humanité

 

Les preuves présentées contre Speer pour étayer les troisième et quatrième chefs de l'Acte d'Accusation sont toutes relatives à sa participation au programme de travail forcé. Speer lui-même n'avait pas de pouvoirs administratifs directs dans l'exécution de ce programme. Bien qu'il ait préconisé la nomination d'un Plénipotentiaire général à l'Utilisation de la Main-d'œuvre, parce qu'il désirait ne passer que par une seule autorité centrale pour traiter ces questions, il n'obtint pas que Sauckel fût placé administrativement sous son contrôle. Sauckel fut nommé directement par Hitler en vertu du décret du 21 mars 1942, qui le rendait responsable devant le Plénipotentiaire au Plan de Quatre Ans, c'est-à-dire devant Gœring.

Comme Ministre du Reich pour les Armements et les Munitions et comme Plénipotentiaire général aux Armements dans le cadre du Plan de Quatre Ans, Speer exerçait des pouvoirs étendus sur la production. Au début, il était chargé de la direction de la construction et de la fabrication d'armes pour le Haut-Commandement de l'Armée de terre. Son autorité fut progressivement étendue aux armements navals, à la production civile et, enfin, le 1er août 1944, à l'armement aéronautique. Il occupait une situation prédominante dans le Comité Central du Plan qui jouissait de l'autorité suprême sur les plans de l'économie allemande, ainsi que sur la répartition des matières premières et l'augmentation de leur production. L'attitude adoptée par Speer consista à affirmer que le Plan avait le pouvoir, pour les industries se trouvant sous son contrôle, de donner à Sauckel des instructions concernant le recrutement des ouvriers; malgré les objections de ce dernier, Speer réussit à faire prévaloir son point de vue. En pratique, Speer en vint à transmettre à Sauckel le nombre approximatif des travailleurs nécessaires; Sauckel obtenait la main-d'œuvre et la répartissait dans les différentes industries d'après les instructions transmises par Speer.

Quand Speer adressait ses demandes à Sauckel, il savait qu'on lui fournirait des travailleurs étrangers recrutés par la force. Il prit part à des conférences où une extension du programme de travail obligatoire fut envisagée pour satisfaire à ses demandes. Du 10 au 12 août 1942, il assista à une Conférence avec Hitler et Sauckel, au cours de laquelle il fut convenu que les travailleurs des territoires occupés seraient envoyés de force par Sauckel là où c'était nécessaire pour les industries placées sous le contrôle de Speer. De même, Speer assista à une conférence tenue au Quartier Général de Hitler, le 4 janvier 1944, au cours de laquelle il fut décidé que Sauckel devrait obtenir « au moins quatre millions de nouveaux travailleurs provenant des territoires occupés », afin de fournir la main-d'œuvre exigée par Speer, alors que Sauckel prétendait qu'il ne pourrait y parvenir qu'avec l'aide de Himmler.

Sauckel informait constamment Speer et ses délégués du fait que les travailleurs étrangers étaient recrutés par la force. Le 1er mars 1944, le représentant de Speer reprocha vivement à Sauckel de ne pas être en mesure d'envoyer, des territoires occupés, les quatre millions de travailleurs qui devaient être fournis. Dans certains cas, Speer exigea qu'on lui envoyât des travailleurs en provenance de pays étrangers déterminés. Ainsi, à la Conférence tenue du 10 au 12 août 1942, Sauckel reçut l'ordre de fournir à Speer encore « un million de travailleurs russes pour l'industrie allemande d'armement, d'ici la fin octobre 1942 ». Au cours d'une réunion qui eut lieu au Comité Central du Plan, le 22 avril 1943, Speer examina les plans qui devaient permettre de fournir des travailleurs russes pour les mines de charbon et rejeta catégoriquement la proposition tendant à combler le déficit de main-d'œuvre par des travailleurs allemands.

Speer a prétendu qu'il avait préconisé une réorganisation de la main-d'œuvre qui devait, d'une part, faire effectuer principalement la production de guerre par des travailleurs allemands et qui devait, d'autre part, utiliser la main-d'œuvre des territoires occupés dans des industries locales de biens de consommation fabriqués auparavant en Allemagne. Speer prit des mesures dans ce sens en instituant dans les territoires occupés ce qu'on appela les Sperrbetriebe (industries bloquées) qui produisaient des marchandises destinées à être ensuite expédiées en Allemagne. Le personnel de ces industries était exempté de la déportation pour le travail forcé, et tous les travailleurs qui avaient reçu l'ordre de partir pour le Reich pouvaient éviter la déportation, en travaillant dans les Sperrbetriebe. Ce système, qui était un peu moins inhumain que la déportation en Allemagne, était cependant illégal. D'ailleurs, les Sperrbetriebe ne jouèrent qu'un rôle de peu d'importance dans le programme général de travail forcé; néanmoins Speer voulut coordonner l'utilisation de ces industries bloquées avec l'exécution de ce programme dont il connaissait parfaitement les modalités d'application. Officiellement, il en était le principal bénéficiaire et en demandait constamment l'extension.

En sa qualité de Chef de l'Organisation Todt, Speer intervenait également de façon directe dans l'utilisation des travailleurs forcés. L'Organisation Todt fonctionnait surtout dans les territoires occupés, pour des travaux tels que la construction du « Mur de l'Atlantique » et de routes stratégiques; Speer a reconnu qu'il comptait sur le service obligatoire pour maintenir des effectifs suffisants dans cette organisation. Il recourut aussi à la main-d'œuvre de camps de concentration pour l'utiliser dans les industries placées sous son contrôle. Au début, il ne fit appel à cette source de main-d'œuvre que pour de petites usines isolées et, plus tard, craignant de voir Himmler s'immiscer dans son domaine, il s'efforça d'employer un nombre aussi réduit que possible de travailleurs des camps de concentration. Speer fut impliqué aussi dans l'emploi de prisonniers de guerre dans les industries d'armements. Mais il soutient qu'il n'a eu recours aux prisonniers de guerre soviétiques que pour les industries autorisées par la Convention de Genève.

Speer avait une situation qui lui permettait de ne pas être mêlé directement aux méthodes cruelles appliquées dans l'exécution du programme de travail forcé, bien qu'il en connût l’existence. C'est ainsi qu'au cours de réunions du Comité Central du Plan, on lui apprit que l'importance de ses demandes de main-d'œuvre nécessitait des méthodes violentes de recrutement. A une conférence du Comité Central du Plan, le 30 octobre 1942, Speer exprima l'opinion que nombre de travailleurs forcés, qui se disaient malades, étaient des simulateurs, et déclara : « Il n'y a aucune objection à ce que les SS et la Police prennent des mesures rigoureuses et mettent dans des camps de concentration ceux qu'on sait être des tire-au-flanc ». Speer exigea toutefois que l'on fournît aux travailleurs une nourriture et des conditions de travail convenables afin d'assurer leur bon rendement.

A titre de circonstances atténuantes, il faut retenir le fait que le système des « industries bloquées », institué par Speer, permit effectivement à de nombreux travailleurs de rester dans leur pays; et le fait qu'à la fin de la guerre, il fut un des rares hommes qui eurent le courage de dire à Hitler que la bataille était perdue et de prendre des mesures pour éviter la destruction insensée des moyens de production, tant en Allemagne que dans les territoires occupés, malgré un risque personnel considérable. Il s'opposa, par le sabotage, à la politique hitlérienne de « la terre brûlée », en Allemagne et dans certains pays de l'Ouest.

 

Conclusion

 

Le Tribunal déclare :

— Que l'accusé Speer n'est pas coupable des crimes visés par les premier et deuxième chefs de l'Acte d'Accusation;

— Que l'accusé Speer est coupable des crimes visés par les troisième et quatrième chefs de l'Acte d'Accusation.

 

 

 
   
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

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