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NUREMBERG (1945-1946)

VERDICT

RESPONSABILITES INDIVIDUELLES

 

 

VON NEURATH

 

Von Neurath est inculpé des crimes visés par les quatre chefs de l'Acte d'Accusation. Diplomate de carrière, il a rempli les fonctions d'Ambassadeur d'Allemagne en Grande-Bretagne, de 1930 à 1932. Le 2 juin 1932, il fut nommé Ministre des Affaires Etrangères dans le Cabinet von Papen, et il garda ce poste dans les Cabinets de von Schleicher et de Hitler. Le 4 février 1938, von Neurath donna sa démission de Ministre des Affaires étrangères et devint Ministre du Reich sans portefeuille, Président du Conseil de Cabinet Secret et membre du Conseil de Défense du Reich. Du 18 mars 1939 au 27 septembre 1941, il fut protecteur de Bohême-Moravie. Il avait le grade d'Obergruppenführer honoraire dans les SS.

 

Crimes contre la Paix

 

En tant que Ministre des Affaires Etrangères, von Neurath assista Hitler de ses conseils, en ce qui concerne le retrait de l'Allemagne de la Conférence du Désarmement et de la Société des Nations, le 14 octobre 1933, la décision de réarmer, la promulgation de la loi sur le service militaire obligatoire, le 16 mars 1935 et la loi secrète sur la défense du Reich, le 21 mai. C'est lui, principalement, qui mena les négociations de l'Accord Naval conclu entre l'Allemagne et l'Angleterre, le 18 juin 1935. Il joua un rôle important auprès de Hitler quand celui-ci décida de réoccuper la Rhénanie, le 7 mars 1936, et il prédit que l'occupation pourrait s'effectuer sans que les Français ne réagissent. Le 18 mai 1936, il déclara à l'Ambassadeur des Etats-Unis en France que la politique étrangère du Gouvernement allemand se bornait à ne pas bouger jusqu'à ce que « la Rhénanie fût digérée » et qu'une fois les fortifications de la Rhénanie achevées, les pays d'Europe Centrale, se rendant compte que la France ne pouvait pas entrer en Allemagne à sa guise, « envisageaient leur politique étrangère d'une façon toute différente, et que de nouvelles sphères d'influence pourraient être alors établies ».

Von Neurath prit part à la « Conférence Hossbach », du 5 novembre 1937. Il a déclaré dans sa déposition que les déclarations d'Hitler l'avaient tellement impressionné qu'il avait eu une crise cardiaque. Peu après, il offrit sa démission, qui fut acceptée, le 4 février 1938, à l'époque même où von Fritsch et von Blomberg furent destitués. Tout en connaissant les plans d'agression de Hitler, il conserva un lien officiel avec le régime nazi en ses qualités de Ministre du Reich sans portefeuille, de Président du Conseil de Cabinet Secret et de Membre du Conseil de Défense du Reich. Il assuma la direction du Ministère des Affaires Etrangères au moment de l'occupation de l'Autriche et affirma à l'Ambassadeur de Grande-Bretagne que cette occupation n'était pas due à un ultimatum allemand; il déclara à ce moment-là au Ministre de Tchécoslovaquie, que l'Allemagne avait l'intention de respecter sa convention d'arbitrage avec ce pays. Von Neurath a pris part à la phase des négociations qui précédèrent l'accord de Munich; il prétend qu'il n'avait participé à ces discussions que pour obtenir de Hitler que ce dernier évite le recours à la guerre dans la solution des différends.

 

Activités criminelles en Tchécoslovaquie

Le 18 mars 1939, von Neurath fut nommé Protecteur de Bohême-Moravie. La Bohême-Moravie fut occupée par la force armée. Le consentement de Hacha, qui fut, comme on le sait, obtenu par la force, ne peut suffire à justifier cette occupation. Un Protectorat fut établi sur ce pays par le décret de Hitler, en date du 16 mars 1939, qui déclarait en outre que ce nouveau territoire « appartiendrait désormais au Reich allemand », ce qui supposait que la République de Tchécoslovaquie avait cessé d'exister. Mais le Statut de la Bohême-Moravie, tel qu'il était défini par cette proclamation, s'inspirait également de la thèse suivant laquelle ces pays conservaient leur souveraineté dans la mesure où les intérêts de l'Allemagne représentés par le Protectorat n'y étaient pas contraires. En conséquence, même s'il admettait que la doctrine de l'« incorporation » puisse s'appliquer à un territoire occupé à la suite d'un acte d'agression, le Tribunal ne déduirait pas pour autant de cette proclamation que l'incorporation ainsi effectuée ait été suffisante pour justifier l'application de cette thèse. Il y a donc lieu de considérer l'occupation de la Bohème et de la Moravie comme une occupation militaire soumise aux lois de la guerre. Bien que la Tchécoslovaquie n'ait pas adhéré à la Convention de La Haye de 1907, les lois de la guerre sur terre énoncées dans cette Convention constituent l'expression du Droit international, tel qu'il existait à l'époque, et sont, par conséquent, applicables en l'espèce.

En sa qualité de Protecteur du Reich, von Neurath institua en Bohême-Moravie, une réglementation semblable à celle de l'Allemagne. La presse libre, les partis politiques et les Syndicats furent supprimés. Tous les groupements qui pouvaient être utilisés par l'opposition furent interdits. L'industrie tchèque fut incorporée dans le cadre de la production de guerre allemande et exploitée au profit de l'effort de guerre. La politique d'antisémitisme fut également introduite dans la législation. Les Juifs furent exclus des positions importantes qu'ils occupaient au Gouvernement et dans les affaires.

En août 1939, von Neurath publia une proclamation mettant la population en garde contre le sabotage, et déclarant que « la responsabilité de tout acte de sabotage ne retomberait pas seulement sur leurs auteurs pris individuellement, mais sur l'ensemble de la population tchèque ». Lorsque la guerre éclata, le 1er septembre 1939, la Police de Sécurité arrêta 8.000 notables tchèques et les mit en détention préventive. Un grand nombre de ceux-ci sont morts dans des camps de concentration à la suite des mauvais traitements qu'ils avaient subis.

En octobre et novembre 1939, les étudiants tchèques organisèrent une série de manifestations. A la suite de ces dernières, sur l'ordre de Hitler, toutes les Universités furent fermées. 1.200 étudiants furent jetés en prison et les 9 meneurs de la manifestation furent fusillés par la Police de Sécurité et le SD. Von Neuralh a dit, au cours de sa déposition, qu'il n'a pas été prévenu à l'avance de cette action qui fit ensuite l'objet d'une proclamation portant sa signature et affichée dans tout le Protectorat. Il affirme toutefois que cela fut fait à son insu.

Le 31 août 1940, von Neurath remit à Lammers, un mémorandum qu'il avait rédigé, sur l'avenir du Protectorat, et un autre concernant la même question, écrit par Karl Hermann Frank, qu'il avait approuvé. Tous deux traitaient du problème de la germanisation et proposaient que la majorité des Tchèques fussent assimilés à la race allemande. Tous deux recommandaient l'élimination de l'« intelligentsia tchèque » et d'autres groupes susceptibles de se montrer hostiles à la germanisation; von Neurath, quant à lui, préconisait l'expulsion, et Frank, l'expulsion ou le « traitement spécial ».

Von Neurath a prétendu que les mesures de répression furent, en fait, exécutées par la Police de Sécurité et le SD, qui se trouvaient placés sous les ordres de son Secrétaire d'Etat, Karl Hermann Frank; ce dernier avait été nommé sur la proposition d'Himmler et lui rendait directement compte de son activité de Chef des SS et de la Police. Von Neurath allègue, en outre, que les mesures antisémites et celles qui permirent l'exploitation économique du pays, furent mises en vigueur dans le Protectorat à la suite de décisions prises par le Gouvernement du Reich. Quoi qu'il en soit, l'accusé fut le principal Haut-Fonctionnaire allemand dans le Protectorat à une époque où il était important que ce territoire soit administré en corrélation avec la conduite des guerres d'agression menées par l'Allemagne à l'Est.

Et von Neurath n'ignorait pas, qu'à ce moment-là, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité étaient couverts par son autorité. Il convient de retenir à sa décharge qu'il intervint auprès de la Police de Sécurité et du SD, pour faire relâcher une grande partie des Tchèques qui avaient été arrêtés le 1er septembre 1939, et des étudiants emprisonnés quelques semaines après. Le 23 septembre 1941, Hitler fit venir von Neurath et lui reprocha son manque de fermeté; il lui annonça également qu'il envoyait Heydrich dans le Protectorat pour combattre les groupes de résistance tchèques. Von Neurath essaya de dissuader Hitler d'envoyer Heydrich, mais en vain. C'est pourquoi il offrit sa démission. Celle-ci ne fut d'ailleurs pas acceptée; il partit néanmoins en congé, le 27 septembre 1941, et refusa ensuite de reprendre ses fonctions de protecteur. Sa démission fut acceptée officiellement en août 1943.

 

Conclusion

 

Le Tribunal déclare :

— Que l'accusé von Neurath est coupable des crimes visés par les quatre chefs de l'Acte d'Accusation.

 

 
   
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

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